Courant septembre, nous étions plusieurs enfants
assis à l’ombre des mûriers, sur les bancs de la place de la
sous-préfecture. Quand on entendait une camionnette qui peinait à monter
la côte, l’un d’entre nous se levait et courait voir si ce n’était pas
un camion chargé de raisin qui montait vers Saint-Hippolyte en direction
de la cave viticole.
A la vue du camion chargé du précieux fruit, il
criait : « La hopa ! la hopa ! » et comme une nuée
d’étourneaux, on courait à l’assaut de la camionnette chargée d’une
montagne de raisin.
A l’arrière du camion, juché sur le raisin, se tenait
un gardien armé d’une longue baguette pour nous empêcher de grimper sur
le véhicule qui peinait à monter la côte devant le Colisée. Nous avions
mis au point un outil pour attraper le raisin : nous lancions sur le
chargement un crochet, attaché à l’extrémité d’une longue ficelle. En le
ramenant rapidement, des grappes s’y accrochaient presque à tous les
coups. Le surveillant impuissant n’avait d’autre recours que de nous
crier après, ce qui parfois attirait l’attention du gardien de la paix
en faction, qui nous lançait de stridents coups de sifflet.
C’était devenu un sport dans le quartier.