QUI A CONNU TOUMBA ?

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C’était un ouvrier musulman, noir de peau, qui travaillait au garage DESSOUCHES, Rue Chekkal Ali (antérieure-ment Rue du Caire) en face du n° 5 où mes parents habitaient.

Il était très connu dans le quartier. Il se portait toujours volontaire pour rendre service et faire une course dans MASCARA. Il savait qu’en retour, il récupèrerait soit un pourboire, soit un bon casse-croûte.

TOUMBA était de condition plus que modeste. On l’a toujours connu au garage où il effectuait de menus travaux dans la journée et était gardien de nuit pour surveiller les voitures des clients. On savait qu’il avait une mère, qu’il appelait  Chibanïa, quelque part. On ne la voyait seulement que lorsque nous allions faire le riz de Pâques et manger la mouna à Saint Hippolyte, car il l’emmenait sur un carrico  aménagé pour elle.

Bien que musulman, il aimait notre compagnie et savait qu’ils prendraient part, tous deux, d’une façon ou d’une autre, au repas de Pâques.

C’était un homme petit de taille, aux traits ingrats, trapu, très poilu, toujours vêtu d’un bleu de travail crasseux, chemise, et pantalon retroussé en dessous des genoux. Lui-même était couvert de crasse avec des ongles longs, cassés et noirs de saleté. Il marchait toujours pieds nus et avait des mollets très musclés à force de parcourir la ville.

Quand il partait faire une course, même s’il portait quelque chose de lourd sur ses épaules, c’était un vrai bolide, il courait si vite que ses pieds lui touchaient le derrière et il était de retour en un temps record. Incroyable !

C’était quelqu’un de gentil, qui ne faisait pas de mal à une mouche, mais son physique nous impressionnait, nous les enfants.

Quand on prenait le frais, le soir, il venait parfois s’asseoir avec nous et racontait toute sortes de choses, y compris des cancans sur telle ou telle personne (qui ne nous regardaient en aucune façon !)

À nous les enfants, il nous faisait rire quelquefois. Un jour, il avait ramené un caméléon et il nous avait dit : « Venez voir, il sait fumer ! » Et voilà tous les enfants du quartier regroupés autour de lui, impatients de voir ce spectacle. Alors, il avait allumé une cigarette, l’avait introduite et coincée dans la gueule du caméléon, et comme il fallait s’y attendre, à chaque respiration, le pauvre caméléon était obligé d’avaler la fumée et de l’expulser. Et nous, naïfs comme des gosses, nous étions émerveillés.

Nous l’aimions bien, et il avait de la satisfaction avec mes parents.

Il venait de temps en temps à la maison demander à ma mère de lui flaire cuire quelque chose. C’était un gros mangeur. Il aimait faire des paris avec des personnes pour prou-ver qu’il était capable de manger une certaine quantité de nourriture et les paris étaient tenus, il engloutissait tout : en attendant... il se nourrissait !

Je me souviens, un jour, il était venu chez nous et avait dit à ma mère :

- Madame PÉREZ, tu me fais une omelette ?

- Bien sûr, TOUMBAI

Et il lui présenta un panier avec 22 œufs. Ma mère était effarée !

- Tu es fou, c’est trop. Je n’ai jamais vu ça, tu vas être malade, gare à ton foie !

- Le foie ? Connais pas ! N’aie pas peur !

Et, véridique... il avala goulûment cette omelette géante, l’accompagnant d’un pain entier.

Il n’était jamais malade, à croire que sa constitution faisait exception à la règle.

 Eliane PEREZ-BERENGUER

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