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LE LABOUREUR ET SES ENFANTS

Parodie en Sabir


Un vieux fellah qui sait qu’il va crever,
i veut dire un secret qu’longtemps i a conservé.
Il appelle ses trois fils seul à seul
et i dit : « Moi je parle ; vous, ti fermes ta gueule.
J’vous mens pas, j’te jure sur la tombe à ma mère,
Écoutez-moi et vous z’aurez plus d’la misère.
J’ai caché quequ’chose sous la terre dans le champ,
bessif que vous l’trouvez si vous creusez longtemps.
J’vous dirai pas l’endroit où j’ai mis ce trésor,
i a des bagues, des kholkhal, des colliers et de l’or. »
La-dessur le fellah i a la voix qui l’étrangue ;
i veut parler, mais i peut plus bouger sa langue.
Alors le pauve, i claque ou comme on dit en France :
« Je crois qu’il a avalé son bull’tin de naissance. »
Les enfants i 1’enterrent avec toute la smallah,
i suivent le cercueil, i chantent et prient Allah.
Le lendemain matin les trois i s’lèvent très tôt ;
Mohamed, i va donner à bouffer au troupeau,
Ali, i va au gourbi peur chercher les outils,
Bachir, i prend des pelles et les ’oilà partis.
Çuilà, i creuse à droite, çuilà, i pioche à gauche,
i en a pas un qui garde ses deux mains dans la poche.
Les trois, i retournent la terre pendant trois mois.
« Aouss qu’il est ce trésor ? Papa i s’est foutu d’moi !
- Entention, dit Bachir, parle pas comme ça d’papa !
- Ouvre ton oeil qui est pas crevé, ti vois pas
comme le champ il est vert, d’l’avoine en quantité ;
ton papa, c’est papa, il faut le respecter.
Le vieux i a pas menti ; i voulait t’espliquer
qu’si on travaille beaucoup, on n’aura rien risqué.
On va vendre au souk l’avoine, les pommes de terre,
on gagn’ra du pognon, Ô couillon de mon frère !
Papa, comme La Fontaine, i voulait qu’ti comprennes
qu’il faut « travaillez et prenez de la peine ! »


Robert Garson - Portage Michigan - U.S.A.

 

        

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